Outre une carrière professionnelle engagée dans la sécurité qui l’a conduit chez Prisma Presse comme directeur adjoint des services généraux, Thierry Cadiot est l’ancien animateur du « Club Sécurité » de l’Arseg (Association des Responsables des Services Généraux) et un des acteurs majeurs de la certification Qualisécurité que détient BSL Sécurité. Quatre questions sur la certification des entreprises de sécurité :
Pourquoi la détention d’une certification n’est toujours pas un atout différentiel pour les prestataires alors que le prix le reste plus que jamais ?
Thierry Cadiot : La certification Qualisécurité est un outil permettant au prestataire de se démarquer vis-à-vis de ses concurrents : un prestataire se doit d’être avant tout un conseil auprès de son client. Le cas échéant, il se doit de lui rappeler qu’en tant que donneur d’ordre, il a une responsabilité sociétale bien sûr, mais aussi civile et pénale, et ce dans divers domaines dont le fiscal, le social. Cette obligation n’est pas récente, puisqu’elle a été formalisée dans la loi de 92. Dans les faits, si le prestataire ne s’acquitte pas de ses dettes sociales et fiscales, c’est le donneur qui en devient redevable. Cette double peine va considérablement modifier le prix d’achat mirifique «négocié brillamment» par un expert du prix facial.
Plus largement, je me plais à rappeler dans chacune de mes interventions , que nous vous confions (à vous, prestataires) la vie de nos collaborateurs, l’intégrité de nos bâtiments, et surtout la pérennité de nos entreprises. C’est une lourde responsabilité que je ne veux pas brader. Ma responsabilité (personnelle) est de fait engagée. Or cette qualité de service ne peut être obtenue que par un prix correspondant d’une part à la formation des personnels, d’autre part à une structure opérationnelle d’encadrement, et enfin à une marge opérationnelle nous garantissant une viabilité de notre prestataire.
En tant que donneur d’ordres qu’attendez vous du CNAPS ?
TC : Nous attendons du CNAPS, que en tant que client nous n’avons pas souhaité ni dans sa forme, ni dans sa composition, qu’il fasse ce que nous appelons de nos voeux, c’est-à dire nettoyer, et n’ayons pas peur des mots, un métier qui en a grand besoin, mais aussi qu’il responsabilise et fasse condamner les donneurs d’ordre indélicats, mais ce dernier point n’est pas dans ses missions, et c’est regrettable.
D’aucuns nous dirons que le risque est faible : qu’ils se détrompent. Avec la création du CNAPS le «risque» de contrôle va s’accroître considérablement dans les mois à venir, c’est une de ses missions premières : cet organisme recrute et forme actuellement plusieurs dizaines de contrôleurs assermentés. Les douze premiers seront sur le terrain dès janvier 2012. Enfin, nous attendons du CNAPS qu’il fasse de ce métier ce qu’il est vraiment : un métier d’avenir.
Le partenariat tant évoqué entre prestataires et clients ne passe-t-il pas aussi par un contrat et des conditions générales de vente adaptées au métier et faisant des deux contractants deux acteurs coresponsables ? Ne faut-il pas ouvrir ce chantier pour progressivement installer un cadre contractuel standard ?
TC : Ce cadre contractuel, cette coresponsabilité, dont vous faites état existent de fait dans le référentiel Qualisécurité. Pour ma part je trouve lassant d’entendre en permanence des entreprises de sécurité se plaindre des coûts de marché. Je trouve inconcevable qu’une entreprise accepte un marché en dessous de ses coûts de revient. Le chef d’entreprise qui le tolère est un irresponsable. En signant ces contrats (avec qui que ce soit) il met en danger son entreprise et son client. Et les chiffres sont tenaces : environ 10% des entreprises de sécurité déposent le bilan chaque année.
Posez-vous la question : pourquoi ?
TC : Sur ce point je crois qu’il faut laisser le marché s’auto-réguler dans un cadre législatif et réglementaire coercitif, notamment dans la coresponsabilité des contrats abusifs. A vouloir assister les décideurs en les déresponsabilisant, se pointe ce que j’appelle le syndrome du «Sentier» : il s’agit de la perte du marché du prêt-à-porter par les entreprises françaises dans les années 90 au profit de groupes devenus planétaires. A vouloir dumper le marché, les acteurs sont morts.
Est-ce que vos entreprises auront l’intelligence de s’adapter au marché et auront enfin les moyens de se développer, ou accepterons-nous de déléguer une partie importante de notre sécurité publique (nos gouvernants annoncent que le nombre d’emplois en sécurité va doubler en 5 ans) à des groupes mondiaux régis par la loi du marché financier ? La réponse est définitivement entre les mains des organisations représentatives publiques et privées, mais aussi et surtout entre les mains des acteurs privés qui doivent refuser ce dumping économique et social.
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